L’OMS nous a escroqués« , a accusé Donald Trump en signant, le jour même de son investiture, un décret visant à sortir les Etats-Unis de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Mais de quoi parle-t-on ? Sous les feux des projecteurs pendant le COVID, l’Organisation mondiale de la Santé compte 194 États membres et participe à un certain nombre de projets, notamment l’aide aux personnes en cas d’urgence sanitaire, des campagnes de vaccination, et le soutien aux pays en matière de soins de santé.
Depuis la pandémie, cette institution est clairement dans le viseur de Donald Trump qui lui reproche une contribution trop grande des Etats-Unis par rapport à la Chine, notamment.
Nous espérons que les États-Unis reviendront sur leur décision
Organisation mondiale de la santé
« Nous espérons que les États-Unis reviendront sur leur décision. Nous sommes impatients d’entamer un dialogue constructif pour maintenir le partenariat entre les États-Unis et l’OMS, au bénéfice de la santé et du bien-être de millions de personnes dans le monde », a réagi l’OMS par communiqué. Il faut dire que l’annonce tombe mal : l’OMS venait de lancer un appel au financement d’un milliard et demi de dollars pour lancer des actions concrètes de lutte contre le choléra ou d’aide à la santé mentale dans les zones de conflit.
Le budget de l’OMS varie beaucoup en fonction des dons privés
Le budget de l’OMS, c’est une enveloppe de plus de six milliards d’euros, financés par le public et le privé. Et la Belgique l’a rappelé à l’occasion d’une évaluation du fonctionnement de l’OMS, « pour pouvoir fonctionner de manière optimale, l’organisation a besoin d’une certitude à long terme en matière de revenus. Or, à l’heure actuelle, seulement 20% environ du budget proviennent de contributions obligatoires garanties« .
Les États membres venaient d’ailleurs de s’accorder sur une augmentation progressive des contributions fixes des Etats afin d’atteindre 50% du budget total en 2030-2031. Le reste provient de dons privés, qui sont particulièrement variables et rendent difficile les campagnes de santé sur le long terme.
Mais cet équilibre entre financement privé et public nécessite d’augmenter la participation des Etats. Et le principal contributeur financier, c’est actuellement les Etats-Unis.
Un retrait de l’OMS symbolique d’une politique anti-vaccin
Très critique sur la gestion par l’OMS de la crise du coronavirus, Donald Trump avait déjà lancé une procédure de retrait de son pays de l’Organisation mondiale de la Santé en raison de sa « mauvaise gestion » de l’épidémie. Mais cette décision avait été annulée par son successeur Joe Biden, avant de pouvoir être effective. Cette fois, Donald Trump pourra mettre ses menaces à exécution dans un contexte de discussions sur les accès aux vaccins et les technologies de lutte contre les virus.
La nomination de Robert Kennedy Jr, connu pour ses déclarations erronées sur les vaccins, donnait déjà une indication de la position des Etats-Unis en la matière.
Mais c’est en 2026 que les choses pourraient se corser pour l’OMS puisqu’un nouveau budget devra être adopté, sans le financement américain. Le personnel américain détaché auprès de l’organisation devra aussi s’en aller. Moins de budget, moins de personnel et un soutien aux fausses informations en matière de santé : tout cela risque de fragiliser une organisation qui doit faire face à des dizaines de crises sanitaires dans le monde chaque année.
À lire aussi
La Chine et l’Europe réaffirment leur soutien à l’OMS
« Le rôle de l’OMS doit être renforcé, pas affaibli« , a souligné ce mardi le porte-parole de la diplomatie chinoise, Guo Jiakun, ajoutant que « la Chine, comme elle l’a toujours fait, soutiendra l’OMS dans l’accomplissement de ses missions » pour promouvoir « la santé de l’humanité« .
Le rôle de l’OMS doit être renforcé, pas affaibli
Guo Jiakun, porte-parole de la diplomatie chinoise
« Nous sommes déterminés à coopérer avec nos partenaires américains et nous espérons que cette annonce est encore en cours d’examen« , a dit de son côté une porte-parole de la Commission européenne pour les questions de santé, Eva Hrncirova, lors d’une conférence de presse à Bruxelles.
Même son de cloche du côté belge. Le ministre de la Santé en affaires courantes, Frank Vandenbroucke parle lui d’imprudence des Etats-Unis. « L’OMS joue un rôle clé pour la santé mondiale en luttant contre les crises sanitaires internationales et en coordonnant les politiques scientifiques internationales en matière de santé. […] Il est donc imprudent de mettre tout cela en péril« , a-t-il déclaré.
Se retirer de l’OMS, un pari gagnant ou perdant pour les Etats-Unis ?
Se retirer de l’OMS permettra aux Etats-Unis de réaliser des économies sur le court terme. Mais est-ce pour autant un pari gagnant ? « La décision de quitter (l’OMS) affaiblit l’influence de l’Amérique, augmente le risque d’une pandémie mortelle et nous rend tous plus vulnérables« , a fustigé sur X, Tom Frieden, ancien haut responsable sanitaire sous l’administration de Barack Obama.
En se retirant de l’organisation, les Etats-Unis vont en effet perdre un accès privilégié à des données de surveillance épidémique importantes, ont mis en garde plusieurs experts. Les agences de santé américaines et entreprises pharmaceutiques dépendront également de l’OMS « pour obtenir les données nécessaires au développement de vaccins et de thérapies« , relève Lawrence Gostin, professeur du droit de la santé publique à l’université de Georgetown.
Au lieu d’être les premiers à recevoir des vaccins, nous serons en queue de peloton
Lawrence Gostin, professeur du droit de la santé publique aux Etats-Unis
« Au lieu d’être les premiers à recevoir des vaccins, nous serons en queue de peloton« , a regretté Lawrence Gostin sur X.
Ce retrait inquiète d’autant plus qu’il survient au moment où la forte circulation du virus de la grippe aviaire aux Etats-Unis accentue les craintes d’une prochaine pandémie. Le pays a recensé début janvier un premier décès humain lié au virus H5N1.